Fête de la Science 2025 : la conscience au cœur de la conférence « Petits neurones et grosses machines »

Les deux intervenants, Yves Goldberg et Michael Pereira, neuroscientifiques du GIN ont proposé une conférence à deux voix, intitulée : « Petits neurones et grosses machines » dans laquelle ils nous faisaient réfléchir aux liens entre conscience et intelligence.

Conscience et intelligence : des notions proches mais distinctes

Michael Pereira a débuté la soirée en interrogeant notre perception de ces deux concepts pour le moins difficiles à définir… Une pieuvre est-elle consciente ? Intelligente ? Et un fœtus ? Et ChatGPT ? Les réponses loin d’être tranchées éclairent le lien existant entre conscience et intelligence, tout en prouvant que l’une peut exister malgré tout sans l’autre. Si une pieuvre peut vraisemblablement faire l’expérience d’états conscients, un modèle d’IA comme ChatGPT, lui, ne possède pas de conscience, même s’il peut en simuler les apparences.

Alors comment étudier l’expérience consciente ?

Michael Pereira a ensuite abordé la question méthodologique : comment étudier scientifiquement la conscience ? En tant que neuroscientifique, il utilise l’approche contrastive (ou contrastive analysis), une méthode expérimentale visant à identifier les corrélats neuronaux de la conscience. Celle-ci consiste à comparer l’activité cérébrale dans deux situations aussi semblables que possible, à la seule différence que, dans l’une, le sujet a conscience d’un stimulus, et dans l’autre, il ne l’a pas.

Grâce à cette méthode, il a réussi à enregistrer l’activité de neurones uniques chez l’humain, et montré que certaines structures sous-corticales jouent un rôle important dans la conscience perceptive.
https://neurosciences.univ-grenoble-alpes.fr/fr/actualites/etude-precis…

86 milliards de neurones en action

86 milliards, c’est le nombre de neurones dans un cerveau humain… « Et chacun d’eux forme des milliers de connexions » a rappelé Yves Goldberg, en montrant les images extraordinaires de la reconstruction des neurones enchevêtrés dans un mm3 de cerveau. 
Tout l’enjeu des recherches en neurosciences sur la conscience est donc de comprendre comment l’activité électrique du cerveau accompagne et conditionne son émergence. Un défi immense qui passionne scientifiques comme philosophes depuis des siècles !

Pour donner quelques repères, Yves Goldberg a ébauché un court panorama des grandes théories de la conscience : il a présenté les grands courants philosophiques qui cherchent à définir la relation entre l’esprit et la matière (dualisme de Descartes, physicalisme et fonctionnalisme) et fini par la théorie de l’espace de travail neuronal global proposée par Stanislas Dehaene. 
Cette théorie, une des plus influentes aujourd’hui soutient que la conscience émerge quand une information devient globalement disponible dans le cerveau, c’est-à-dire lorsqu’elle est diffusée à un vaste réseau de régions interconnectées.

Plus de questions que de réponses

Avec de tels exposés, on pouvait se douter que le public repartirait avec plus de questions que de réponses ! La soirée s’est terminée par une discussion mêlant neurosciences, intelligence artificielle, conscience animale, et philosophie. 
Et pour ceux qui voulaient continuer à creuser ces thèmes, Yves Goldberg et Michael Pereira avaient quelques références à proposer : 

• Facing up the problem of consciousness, David Chalmers. Journal of Consciousness Studies, vol. 2, no. 3, 1995, p. 200–219.
• Computing Machinery and Intelligence, Alan M. Turing. Mind 49: 433-460.  1950
• Maniac,  Benjamin Labatut (2024, Grasset)
• The edge of sentience, Jonathan Birch, 2024, OUP Oxford (Disponible gratuitement en PDF)
• Intelligence artificielle, intelligence humaine: la double énigme, par Daniel Andler (Gallimard)

À lire aussi Penser la conscience : Passerelles entre médecine, biologie, neurosciences, psychologie et philosophie du Collectif CARMEN, UGA Éditions, 2023.